Un projet, plusieurs chefs de projet : Comment s’organiser ?

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Il arrive parfois sur certains projets complexes de se retrouver à plusieurs chefs de projet pour piloter un seul et même projet.

Comment on en arrive là ? En quoi c’est utile ? Et comment bien s’organiser lorsqu’on est plusieurs CP à travailler sur le même projet ? Je vous dis tout dans l’article.

Dans quelles situations peut-on avoir plusieurs chefs de projet sur le même projet ?

Si vous ne l’avez pas pratiqué, vous me lisez sûrement avec de gros yeux, sceptique que vous êtes. 

Jusqu’à maintenant, on vous a toujours dit que le chef de projet était le seul pilote dans l’avion, et qu’il ne pouvait y avoir qu’un responsable et garant du projet.

Pourtant, dans certaines situations, un seul chef de projet ne suffit pas, et il est nécessaire de créer une squad de plusieurs chefs de projet :

  • Le projet est trop gros pour être géré par une seule personne.
    Dans ce cas, il est découpé en de multiples séquences (ou sous-projets), chacune attribuée à un chef de projet particulier. On nomme ensuite un directeur de projets pour chapeauter les différents CP au quotidien.
  • La complexité du projet implique de diviser les rôles.
    Le chef de projet principal s’occupe alors de la stratégie, de lever les obstacles et de suivre la progression du projet. Les coordinateurs et planificateurs de projet s’occupent quant à eux de la gestion des ressources humaines et du planning projet.
  • Doublon de compétences pour faire monter un chef de projet junior.
    Nommer un chef de projet junior en doublon avec un CP confirmé peut être une bonne idée, notamment pour faire monter en compétences le premier, et l’amener tout doucement à prendre confiance en lui et ses capacités, et à s’affirmer. Le chef de projet senior joue alors le rôle de mentor.
  • Protéger l’échéance de fin de projet d’un projet critique en cas d’absence inopinée.
    On nomme alors un chef de projet principal et un backup, qui prendra le relais en cas d’absence du premier.
  • Déléguer à des prestataires externes certains aspects du projet.
    Dans ce cas, il y a fort à parier qu’il existe un chef de projet principal, ainsi qu’un chef de projet pour chaque prestataire auxquels vous faites appel. La relation qui existe est cependant contractualisée au travers d’un contrat de service, ou d’un contrat de prestation de service.

Pourquoi avoir plusieurs chefs de projet sur un seul projet ?

Nommer plusieurs chefs de projet pour piloter le même projet permet de créer du co-leadership, ce qui apporte un certain nombre d’avantages :

  • Doublon de compétences.
    Associer deux personnes avec un niveau d’expertise différent sur la gestion de projet, c’est parfait pour faire monter en compétences le plus junior des deux, tout en forçant le senior à travailler sa manière de communiquer et de partager les infos.
  • Remplacement à la volée.
    Être deux chefs de projet permet de remplacer le premier au pied levé s’il est absent, sans prendre de retard sur le projet, et sans perdre de compétences. Particulièrement utile lorsque le chef de projet tombe malade, ou lorsqu’il pose sa démission.
  • Intelligence collective.
    On réfléchit toujours mieux à deux. Face à une problématique, on peut donc avoir une vision à 360 et utiliser le brainstorming pour trouver plus facilement une solution de contournement.
  • Des progrès plus rapides.
    En se partageant les tâches de pilotage projet, le suivi du projet s’en trouve renforcé. L’équipe peut faire des progrès plus rapides, et chaque chef de projet peut se concentrer encore plus sur la partie qu’il a en charge.
  • Meilleure prise de décision.
    Deux cerveaux valent mieux qu’un. Le processus de décision à plusieurs chefs de projet permet d’analyser l’ensemble des risques et impacts de chaque choix. On a ainsi moins de chances de passer à côté d’un impact important.
  • Culture de collaboration.
    Mettre plusieurs chefs de projet sur le management d’un seul projet les force à collaborer entre eux, afin de respecter les engagements de délais et de budget du projet (le fameux triangle d’or).
  • Renforcement de la communication.
    Pour travailler efficacement, partager des informations et se tenir informé de qui fait quoi, pas le choix : il faut apprendre à bien communiquer. Ce skill permet aussi de renforcer les liens avec l’équipe projet et les parties prenantes, et donc d’éviter bon nombre de tensions et d’incompréhensions.

Je l’ai moi-même vécu sur un gros projet de migration de système d’information d’un datacenter à un autre, pour un client, avec en plus des changements d’applications à réaliser en parallèle.

Projet bien touchy, car la moindre erreur se soldait par une seule chose : le client à l’arrêt, ne pouvant plus travailler.

On a donc décidé de se mettre à 2 chefs de projet sur ce dossier. Je m’occupais de la partie technique et de la coordination des experts, ainsi que de la relation client, et mon collègue se chargeait de toute la partie planification, gestion de la documentation non technique, préparation et animation des comités de pilotage

Ainsi, on allait plus vite, et j’avais le temps de me consacrer aux multiples défis techniques que l’on devait relever pour être dans les temps.

Piloter un projet à deux, ça m’a forcé à réfléchir à ma manière de communiquer, à la façon de partager des informations, et aux indicateurs de performance à choisir pour le suivi du projet. Pas le choix, on a du apprendre à se coordonner, bien qu’on avait deux manières différentes de gérer des projets.

5 défis de co-leadership à relever

Pour autant, travailler en co-leadership sur un même projet (être plusieurs chefs de projet) amènent quelques défis qu’il faut relever, sous peine de quoi le projet sera en difficulté :

  1. Travailler à plusieurs engendre de la confusion.
    Avec deux personnes en charge du projet, les membres de l’équipe projet et les parties prenantes peuvent avoir du mal à savoir à qui rendre compte : Le chef de projet A ? Le chef de projet B ? Les deux ?
  2. La prise de décision peut être ralentie.
    Le risque d’avoir plusieurs chefs de projet est de tomber dans un débat sans fin avant de prendre une décision, ce qui fait perdre du temps à l’équipe projet et augmente le risque de livrer hors délais.
  3. Il faut harmoniser les méthodes de travail.
    Chaque chef de projet ayant sa manière de travailler et sa méthode de prédilection, il est nécessaire de trouver un terrain d’entente pour favoriser la collaboration entre les chefs de projet.
  4. Les responsabilités doivent clairement être définies.
    Les rôles et responsabilités de chaque chef de projet doivent clairement être définis. Ce doit être clair comme de l’eau de roche pour tout le monde, pour éviter qu’ils empiètent sur le terrain de l’autre.
  5. Une mauvaise communication engendrera inévitablement des désaccords et des tensions.
    La communication peut vite partir en vrille, notamment lorsque les deux n’ont pas la même manière de s’exprimer, ou fonctionne avec des valeurs et des principes différents. Cela peut générer anxiété, frustration, incertitude, tensions, désaccords et même des conflits dans le pire des cas.

Comment s’organiser avec plusieurs chefs de projet travaillant sur le même projet ?

Si vous êtes amené à travailler à plusieurs chefs de projet sur un seul et même projet, que vous soyez tous en interne dans votre entreprise, ou répartis dans différentes entités et organisations, en fonction des contrats de prestation de services existant, je vous invite à respecter ces 10 règles pour bien vous organiser, éviter de perdre du temps et tenir les engagements de votre projet :

  1. Définir les rôles et responsabilités de chaque chef de projet avec une matrice RACI.
    Le rôle et les responsabilités de chaque chef de projet doivent être détaillés dans une matrice RACI (ou l’une de ses alternatives). Ces aspects doivent être limpides pour tous les membres de l’équipe projet, et l’ensemble des parties prenantes.
  2. Se mettre d’accord sur la méthodologie de gestion de projet à utiliser.
    Afin d’harmoniser les méthodes de travail, il est indispensable de se mettre d’accord au démarrage du projet sur la façon dont vont travailler les différents chefs de projet. Je vous recommande de planifier un atelier de travail sur le sujet, et de commencer par demander l’avis des chefs de projet les plus expérimentés, ou de demander au chef de projet principal (ou au directeur de projet) ce qu’il en pense.
  3. Décider qui anime les réunions de pilotage projet, et qui est en charge des comptes-rendus.
    Afin d’éviter de travailler à deux sur le même sujet, mettez-vous d’accord sur qui doit préparer et animer les comités de pilotage. Pendant que l’un présente les informations, l’autre se charge de la prise de note, puis de la rédaction du compte-rendu.
  4. Mettre en place une charte de gestion du projet.
    Tout comme la charte d’équipe permet de définir les valeurs de l’équipe et la manière dont elle travaille, la charte de gestion de projet inscrit dans le marbre comment les chefs de projet travaillent et se synchronisent entre eux. Le mieux est de créer ce document lors de la phase d’initialisation du projet.
  5. Expliquer aux différentes parties prenantes qui est en charge de quoi.
    Afin d’éviter le « dual reporting », il est indispensable d’expliquer aux experts de l’équipe projet et aux différentes parties prenantes quel chef de projet est en charge de quelle partie du projet. Chacun sait ainsi dans quel cas de figure contacter l’un ou l’autre, et à qui rapporter l’avancement du projet.
  6. Communiquer et se synchroniser quotidiennement.
    Afin d’éviter les pertes d’informations et le travail en doublon, il est indispensable que les deux chefs de projet se synchronisent à minima une fois par jour. Personnellement, lorsque j’étais dans ce cas de figure, je faisais en sorte que l’on communique ensemble au moins 4 à 5 fois par jour : 2 fois par demi-journée minimum.
  7. Travailler comme une seule équipe et ne pas chercher à être en compétition.
    Face au client, il faut faire « bloc », et montrer qu’il n’existe aucune dissension entre les chefs de projet. S’il y en a un qui cherche à être en compétition, à se montrer supérieur, ou à tirer un avantage, un client compliqué peut s’engouffrer dans la brèche et créer ainsi de nombreuses difficultés.
  8. S’entraider lorsque l’autre est dans la panade.
    S’il y en a un qui se trouve débordé alors que pour l’autre « tout roule », il me paraît logique que le second assiste le premier. Sans cela, c’est le projet entier qui s’en trouvera impacté, et la faute sera alors partagée.
  9. Préparer les comités de pilotage et se mettre d’accord avant d’être devant le client.
    Il n’est pas envisageable de se retrouver en réunion face au client et de se contredire ou de se mettre d’accord. Le discours doit être rôdé en amont entre chefs de projet.
  10. Faire valider les documents projet par l’ensemble des chefs de projet concernés.
    Enfin, faites en sorte que tous les chefs de projet valident les cahiers des charges, chartes projet, chartes d’équipe, pv de recette, plannings et autres documents de pillotage projet. Cela vous évitera des incompréhensions, et des écarts budgétaires et de délais.
Image de Thibault Baheux

Thibault Baheux

Tour à tour chef de projet puis manager d'équipe depuis 2008, je suis aujourd'hui directeur de projet indépendant. J'ai décidé via ce site de démocratiser la gestion de projets et de la rendre accessible à tous. Mes certifications : Prince2 Foundation, CompTIA Project+ certified, PSM1, PSPO1, Lean Six Sigma Black Belt.

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