Avez-vous déjà entendu parler d’une réunion ou d’une analyse pre-mortem de projet ?
Si ce n’est pas le cas, restez ! ça va vous intéresser, notamment pour anticiper tout ce qui pourrait mal se passer sur votre projet.
Alors oui, « faire une autopsie » avant la fin du projet peut sembler bizarre au premier abord, mais on le vit très bien. Vous allez voir que c’est un exercice indispensable à plus d’un titre.
Qu’est-ce qu’un pre-mortem d’un projet ?
L’analyse pre-mortem est une réunion collaborative d’équipe qui se déroule au début d’un projet, qui vise à identifier et évaluer de façon proactive les risques et problématiques pouvant survenir en cours de projet et l’impacter négativement.
C’est une pratique courante en analyse et gestion de risques, permettant d’assurer la réussite d’un projet, que je vous recommande d’adopter si vous n’avez pas encore l’habitude d’en mener.
Cette stratégie de gestion de projet, inventée par Gary Klein, va vous aider à vous préparer à toute éventualité. Elle est toute indiquée pour des projets complexes, à haut risque ou à forte incertitude.
Le pre-mortem de projet permet de parcourir des scénarios hypothétiques en faisant comme si ils étaient réellement arrivés, et d’en identifier la cause. L’équipe projet « critique » alors le projet, en se demandant pourquoi et comment on en est arrivé dans cette situation.
Cet exercice permet d’identifier les risques associés au projet, ainsi que les difficultés techniques et organisationnelles que l’équipe pourrait rencontrer pendant le cycle de vie du projet.
Pre-mortem vs Post-mortem : Quelles différences ?
Une analyse pre-mortem de projet n’est pas la même chose qu’une analyse post-mortem de projet. Pour bien comprendre les différences, je vous invite à consulter attentivement le tableau ci-dessous :
Critères | Pre-mortem | Post-mortem |
---|---|---|
Objectifs | Identifier ce qui pourrait mal se passer sur le projet, afin d’améliorer le plan projet et réduire les risques | Célébrer les succès de l’équipe projet, identifier les difficultés rencontrées et proposer des axes de progrès |
Durée | Pas de durée définie. Je recommande une durée de 2 heures à 4 heures. | Pas de durée définie. Je recommande une durée de 2 heures. |
Participants | Membres de l’équipe projetChef de projetParties prenantes optionnelles | Membres de l’équipe projetChef de projetClient + Sponsor du projet dans certains cas |
Déroulement de la réunion | Le plan d’action envisagé est décortiqué et analysé, en se demandant tout ce qui pourrait mal se passer | Organisée autour de questions ouvertes, permettant l’analyse systémique du projet |
Quand la planifier ? | Au tout début d’un projet | En fin de projet |
Avantages d’une analyse pre-mortem de projet
Au même titre qu’un plan de gestion de risques, l’analyse pre-mortem d’un projet vous apporte de nombreux avantages pour cadrer votre projet, gérer les risques et minimiser les possibilités d’échec :
- Identifier et évaluer les risques d’un projet.
En se projetant dans le futur et en imaginant une situation hypothétique et comment on pourrait en arriver là, la réunion pre-mortem permet d’identifier des risques projet, ainsi que d’évaluer leur probabilité de survenance et leur impact. - Anticiper les difficultés techniques et opérationnelles.
L’équipe projet se projette dans le plan d’action imaginé, afin d’identifier les imprévus qui pourraient survenir, ainsi que les problématiques techniques et organisationnelles qui ne manqueront pas d’arriver. - Prévoir un plan de mitigation des risques.
Une fois les risques et difficultés identifiés, l’équipe projet peut modifier son plan d’action afin de prévoir un plan B, et faire en sorte que ces imprévus ne se produisent pas. - Réduire l’incertitude.
Les plans de mitigation des risques permettent de réduire leur probabilité de survenir, ou leur impact, ou les deux, ou permettent même carrément de supprimer les risques. Tout ceci contribue à une réduction de l’incertitude sur le projet : il a donc moins de chance de partir en vrille. - Réduire l’excès de confiance.
On est tous trop optimiste sur les plannings et les risques. Même les chefs de projet expérimentés. En imaginant que le projet est déjà un échec, on peut alors mettre son optimisme de côté et analyser en profondeur tout ce qui pourrait mal tourner. - Impliquer l’équipe projet et les parties prenantes.
L’analyse pre-mortem permet d’impliquer l’équipe projet ainsi que les parties prenantes dans la réalisation future du projet. En identifiant ensemble les problématiques pouvant être rencontrées, on sera tous plus vigileant et plus impliqués dans notre travail au quotidien. - Raffiner le plan projet et le planning.
Les problématiques et risques identifiés vont vous permettre d’imaginer des plans B, des scénarios de secours, etc… Vous pourrez donc amender et mettre à jour vos plannings, listes de tâches, diagramme de Gantt, plans d’action, scénarios de migration, etc…
10 étapes pour réaliser un pre-mortem de qualité
Vous ne savez pas par où commencer pour animer et réaliser une réunion pre-mortem ?
Voici un plan d’action en 10 étapes que j’aime bien dérouler avec les équipes.
Vous le verrez, je ne me concentre pas uniquement sur ce qui pourrait mal se passer, mais aussi sur les opportunités que l’on pourrait rencontrer en cours de route, et les points forts sur lesquels on pourrait s’appuyer.
1 ) Créez un plan projet en amont
Avant de réaliser votre pre-mortem, je vous invite à prendre du temps avec votre équipe projet afin d’imaginer le scénario que vous allez utiliser pour réaliser votre projet.
Ce plan projet que vous allez construire va vous servir de base pour votre pre-mortem, et ensuite imaginer ce qui pourrait mal se dérouler.
2 ) Planifiez votre pre-mortem au tout début de votre projet
N’attendez pas d’être au beau milieu de votre projet, d’être à risque ou d’être bloqué pour planifier votre réunion pre-mortem. Plus celle-ci aura lieu au début de votre projet, plus elle sera efficace.
Je vous conseille de planifier un pre-mortem dès que vous prenez connaissance du projet.
Concernant les personnes à inviter à participer à cet atelier, je vous recommande d’inviter les parties prenantes suivantes :
Parties Prenantes | Présence |
---|---|
Membres de l’équipe projet | Obligatoire |
Sponsor du projet | Facultatif |
Client ou Commanditaire (interne ou externe) | Recommandé |
Utilisateurs finaux / métiers | Facultatif |
Partenaires, Fournisseurs, Prestataires | Recommandé |
3 ) Rappelez l’objectif du pre-mortem et la manière dont il se déroule
Démarrez toujours votre pre-mortem en rappelant le contexte et pourquoi tout le monde est réuni aujourd’hui autour de la table.
Plantez le décor, annoncez que toute l’équipe se trouve maintenant 1 an dans le futur. Le but du jeu ? Se projeter dans le projet, et imaginer ce qui s’est bien passé, ce qui s’est mal passé, et pourquoi.
Expliquez ensuite aux participants quelles sont les règles de la réunion, combien de temps celle-ci dure, et ce qu’on cherche à obtenir à l’arrivée.
Si vous n’avez pas de modèle préétabli, je vous invite à utiliser la structure de pre-mortem ci-dessous, qui vous permettra d’éviter au maximum les phénomènes suivants :
- Le groupthink.
En groupe, les individus ont tendance à se ranger derrière la majorité. La conformité du groupe l’emporte toujours sur la créativité et la pensée rationnelle. - La glossophobie.
De manière moins scientifique, c’est tout simplement la peur de parler en public. Et oui, ça touche énormément de personnes. Certaines personnes préfèrent se taire dans un groupe, plutôt que d’exprimer une idée, alors même que cette idée est exceptionnellement bonne. - Le biais d’optimisme.
Un individu seul sous-estime les risques. On a tous tendance à penser que les merdes n’arrivent qu’aux autres, et on sous-estime souvent les risques et impacts de nos actions. La confrontation des idées à d’autres personnes est donc primordiale.
4 ) Organisez une session de brainstorming pour lister les risques et les opportunités
Demandez à chaque participant de réfléchir aux potentiels échecs du projet, et de les inscrire sur des post-it.
Personnellement, je leur laisse la possibilité de renseigner de 1 à 3 échecs potentiels par participant.
Si quelqu’un ne voit aucun échec, ni aucun risque, n’insistez pas pour le moment. Le travail collectif aidera à sensibiliser cette personne.
Vous pouvez donner de 10 à 15 minutes à l’équipe pour écrire en silence ses réponses.
Voici quatre questions à poser à vos participants qui peuvent les aider à visualiser les échecs que le projet pourrait rencontrer :
- Qu’est-ce qui pourrait mal tourner au cours du projet ?
- Qu’est-ce qui pourrait bien se passer au cours du projet ?
- Quelles sont vos préoccupations ?
- Quelles leçons pouvez-vous tirer des projets précédents ?
5 ) Débriefez collectivement
Il est maintenant temps de débriefer collectivement sur les risques et les opportunités que l’équipe a détecté.
Réunissez ensemble les idées et post-its similaires, et déterminez en groupe quelle est la probabilité de survenance pour chacun de ces risques et opportunités.
Déterminez ensuite quel est l’impact positif ou négatif pour chacun des éléments.
6 ) Projetez-vous 1 an plus tard pour identifier les problèmes majeurs
Vous allez maintenant vous projeter dans le futur, 1 an plus tard, et imaginer que votre projet est un échec cuisant.
Réalisez à nouveau une session de brainstorming de 10 minutes, et demandez aux participants d’imaginer la ou les causes qui ont amené à cet échec.
Voici quelques questions ouvertes pour vous aider :
- Qu’est-ce qui a mal tourné au cours du projet ?
- Qu’est-ce qui vous a collectivement amené à cette situation désastreuse ?
- Qu’est-ce qui vous a empêché de tenir le délai ?
- Qu’est-ce qui vous a poussé à consommer plus que le budget initialement prévu ?
- Quels sont les éléments nécessaires pour mener à bien ce projet que vous n’aviez pas à disposition ?
- Quelles leçons pouvez-vous tirer de cet échec ?
- Si l’on devait déterminer une cause majeure d’échec du projet, quelle serait-elle ?
Laissez les participants faire parler leur créativité, et donnez-leur autant de post-its que nécessaire.
6 ) Identifiez les points forts et les facteurs de réussite du projet
Réalisez maintenant l’exercice inverse : projetez-vous 1 an plus tard en imaginant que votre projet est un succès. Cela vous permettra d’identifier les points forts de votre équipe projet ainsi que les facteurs de réussite du projet.
Réalisez une nouvelle session brainstorming de 10 minutes, et posez-vous les questions suivantes :
- Qu’est-ce qui a bien fonctionné au cours du projet ?
- Qu’est-ce qui vous a collectivement amené dans cette réussite ?
- Qu’est-ce qui vous a permis de tenir les délais ?
- Qu’est-ce qui vous a permis de respecter le budget ?
- Quels sont les éléments qui étaient à votre disposition et qui vous ont permis de réussir ce projet ?
- Quelles sont les leçons que l’on peut apprendre de ce projet ?
7 ) Identifiez, évaluez et priorisez les risques
Il est maintenant temps de débriefer en groupe sur les problématiques majeures détectées, ainsi que les facteurs de réussite.
Une fois toutes les propositions énoncées à voix haute par l’animateur de la réunion, vous pouvez procéder à un vote afin d’identifier les scénarios les plus probables et réalistes.
De préférence, ce vote devrait être non verbal afin d’éviter l’effet de groupe où tout le monde se range derrière l’avis du plus influent.
Vous pouvez par exemple distribuer un certain nombre de points (ou de gommettes de couleur), chacun décidant de positionner le nombre qu’il souhaite sur les éléments qu’il juge comme étant les plus probants.
Si certains ont du mal à se décider, voici 3 questions que vous pouvez leur demander de considérer :
- Quels sont les problèmes les plus susceptibles de se produire ?
- Quels sont les facteurs de réussite les plus importants sur lesquels s’appuyer ?
- Quels sont les scénarios les moins maîtrisés et ayant le plus d’impact sur le projet ?
8 ) Discutez des solutions à mettre en place
Prenez les éléments les plus prioritaires et qui ressortent suite à ce vote de groupe, et discutez-en ensemble.
Le but du jeu est de susciter la discussion, en cherchant à comprendre pourquoi cet élément est prioritaire, quels sont les impacts positifs ou négatifs s’il venait à se produire, et surtout cherchez à identifier tous ensemble ce qui pourrait être mis en place afin d’éviter que cela se produise.
Fixez-vous une limite de temps à 5 minutes par élément, afin d’éviter les discussions stériles et les débordements sur le planning.
9 ) Documentez le plan d’action
Vous devriez maintenant avoir un plan d’action qui a émergé de ces sessions de brainstorming et des discussions concernant chaque risque identifié.
Documentez précieusement ces informations dans un compte-rendu, et intégrez-y un tableau RIDA afin d’identifier clairement et facilement qui doit faire quoi pour éviter que ces risques surviennent.
Ces éléments devraient également apparaître dans votre registre des risques, ce qui vous permettra par la suite de piloter vos risques projet, et d’identifier facilement le degré de survenance d’un risque, son impact ainsi que son plan d’action associé.
10 ) Révisez votre plan projet et votre planning
Il vous reste maintenant à adapter votre plan projet et vos plannings en conséquence, suite au travail effectué en réunion pre-mortem.
Cela vous amènera sûrement à identifier un nouveau plan d’action, ou un scénario B au cas où le scénario A se déroule mal.
Vous pourriez également retravailler vos échéances projet, l’allocation du budget, le matériel et les outils mis à disposition de l’équipe, ou encore la liste de vos ressources projet.
Quand organiser l’analyse pre-mortem d’un projet ?
L’analyse pre-mortem d’un projet s’organise avant le lancement officiel du projet. Cela permet à l’équipe projet d’identifier les risques et les problématiques pouvant survenir en cours de projet, et ainsi de peaufiner son planning et son plan d’action.
Une fois les risques identifiés et évalués, le chef de projet doit ensuite suivre ces risques au quotidien, comme avec les autres méthodes d’identification des risques projet.
Qui anime l’analyse pre-mortem de projet ?
Le pre-mortem d’un projet est animé par le chef de projet ou le Scrum Master, bien que l’ensemble de l’équipe projet participe au travail d’identification des risques et problématiques.
Le pre-mortem est un outil de travail collaboratif d’aide à l’identification des risques projet.