Comment éviter une dérive des objectifs projet ?

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La dérive des objectifs est une catastrophe pour le chef de projet, et vous devez tout faire pour éviter que cela se produise.

Nous y sommes tous confrontés au moins une fois dans notre carrière, même les chefs de projet les plus expérimentés. Et le moins qu’on puisse dire est que ça fait mal.

Le travail s’accumule, la charge de travail augmente, le budget du projet explose, l’équipe se démotive, et l’échéance de fin de projet est sans cesse repoussée…

Non, c’est sûr, on a connu mieux comme projet et conditions de travail.

Je vous explique dans cet article les bonnes pratiques à mettre en œuvre afin  d’éviter qu’une dérive des objectifs ne survienne sur votre projet.

1 ) Cadrer le projet et définir le périmètre du projet

Le meilleur moyen d’éviter une dérive des objectifs est de cadrer finement le projet, et de bien délimiter son périmètre. Cela se fait notamment lors de la phase de cadrage du projet.

Je vous recommande chaudement cette liste de 66 questions à poser pour bien cadrer votre projet.

Plus vous aurez de clarté sur le contexte du projet, ses enjeux, ses objectifs, les attendus clients et utilisateurs, les critères de réussite, etc…, plus vous serez en mesure de planifier finement votre projet et de respecter les délais et les budgets.

C’est également le bon moment pour lancer des études de faisabilité ou des études de marché, afin de cadrer tout ce qu’il est possible de cadrer.

2 ) Estimer les impacts de chaque demande de changement avant validation

Avant de valider la dernière demande de changement de votre client, posez-vous les questions suivantes :

  • Pourquoi le client souhaite t-il ce changement ? Qu’est-ce que cela va lui apporter ?
  • Quelles sont les compétences nécessaires pour traiter cette évolution ?
  • Quel temps supplémentaire est nécessaire afin de traiter cette évolution ?
  • Ce changement a t-il un impact positif ou négatif sur le reste du projet ?
  • Est-il nécessaire d’avoir un surplus de budget pour traiter cette évolution ?
  • L’ajout de ce changement au périmètre du projet est-il compatible avec les engagements déjà pris ?
  • Quels sont les risques qui sont liés à cette demande de changement ?

Les réponses à ces questions vous permettront de mieux qualifier les demandes de changement.

Si vous notez des risques accrus, et des besoins supplémentaires en terme de ressources, délais, budget, ou compétences, je vous invite à négocier avec votre client.

Le principe est simple : si vous acceptez de traiter sa demande dans le cadre du projet, profitez-en pour demander un report de la date de fin de projet, par exemple.

3 ) Tracer tous les changements de périmètre

En gestion de projet, tout doit être documenté, et ce pour plusieurs raisons :

  • Faciliter la rédaction du bilan projet.
    Si tout est tracé, il suffit de reprendre les différents rapports pour voir comment a évolué le projet dans le temps. La rédaction du bilan projet s’en trouve facilité.
  • Identifier les changements, les risques et les impacts.
    D’un coup d’œil, on est en mesure d’identifier les changements apportés au projet, ainsi que les impacts positifs ou négatifs qu’ils ont eu, et la manière dont ils ont modifié les risques inhérents au projet.
  • Aider celui qui reprendra le projet.
    Et oui, on ne sait jamais ce qui peut arriver en cours de projet : accident, arrêt maladie, démission, etc…

Je vous recommande donc de tracer chaque demande de changement dans un document.

Notez les réponses à chacune des questions posées au point n°2, puis indiquez si ce changement de périmètre a été approuvé par vos soins ou non, et quelles ont été les conséquences derrière (délai repoussé ? budget supplémentaire alloué ? surcharge de travail ? échéance non tenable ? …)

4 ) Surveiller au quotidien le statut du projet

Je sais que ce n’est pas tout le temps évident, notamment lorsqu’on gère plusieurs projets en parallèle, mais je vous recommande une fois par jour de prendre le temps nécessaire afin de surveiller l’état d’avancement du projet.

Cela vous permet déjà de prendre un peu de recul et d’éviter d’avoir tout le temps la tête dans l’opérationnel.

Mais en suivant au quotidien le projet, vous pourrez ainsi détecter les écarts au planning, au budget et au périmètre avant qu’il ne soit trop tard pour réagir.

Attention cependant : ne réagissez pas au premier écart constaté. Ce n’est pas la fin du monde.

En effet, il peut arriver de prendre certains jours du retard qui sera rattrapé les jours suivants. Ne vous alarmez pas inutilement.

Si vous constatez que la tendance se confirme sur plusieurs jours, alors il est grand temps d’en parler avec votre client afin d’identifier les mesures nécessaires à prendre.

5 ) Procéder à l’analyse des écarts lors de l’analyse de la performance du projet

A chaque fois que vous devez réaliser un rapport d’état d’avancement pour votre projet, ou à chaque fois que vous préparez votre comité de pilotage, je vous invite à faire une analyse détaillée des écarts.

Cela peut prendre plusieurs formes :

  • Délais estimés vs Délais constatés.
  • Budget prévisionnel vs Budget réel.
  • Périmètre initial vs Périmètre réel.

Pour représenter ces écarts de manière visuelle, il y a un outil parfaitement adapté : la courbe en S.

exemple courbe en S

Exemple d’une courbe en S représentant l’évolution en % d’avancement du projet dans le temps

Je vous invite donc à ajouter des courbes en S dans votre tableau de bord projet afin de visualiser les écarts au quotidien de délais, de budget et de pourcentage d’avancement de projet.

Concernant le périmètre initial vs le périmètre réel, l’approche est légèrement différente.

On va plutôt tracer une courbe dans le temps qui représente la charge de travail estimée de l’équipe, ou encore la valeur totale estimée du projet. 

Si la courbe baisse, cela veut dire que le périmètre est réduit. Si la courbe augmente, alors des fonctionnalités supplémentaires ont été ajoutées au périmètre.

graphe d'évolution du périmètre projet

La courbe bleu en haut montre l’évolution du périmètre du projet dans le temps

6 ) Négocier avec le client les délais et le budget suite à la refonte du périmètre projet

Si votre client tient absolument à ce que vous traitiez sa demande de changement, dans ce cas je vous recommande de renégocier avec lui (et votre commercial au besoin) les échéances et le budget du projet.

Ajouter du travail supplémentaire demande plus de temps pour réaliser l’ensemble du projet, il est donc normal de décaler d’autant l’échéance de fin de projet dans le temps.

De la même manière, travailler plus longtemps signifie payer plus longtemps les acteurs projet. Une rallonge budget est alors nécessaire pour mener à bien le projet.

On en revient toujours aux fameuses triples contraintes d’un projet : la portée (ou le périmètre), les délais et les coûts. C’est ce qu’on appelle parfois le triangle d’or du projet.

Le fameux triangle d’or du projet, ou triples contraintes

Ces trois relations sont interdépendantes : on ne peut pas modifier à la hausse ou à la baisse le périmètre du projet sans impacter les délais et les coûts. Ou alors on revoit à la baisse la qualité attendue sur les livrables du projet.

Mais ça, c’est rarement une bonne idée.

7 ) Négocier afin de réaliser l’évolution à la place d’une autre de même durée

Si votre client refuse catégoriquement de décaler la date de fin de projet dans le temps (par exemple cvar cela signifierait décaler un évènement déjà planifié), et qu’il tient absolument à intégrer l’évolution dans le périmètre du projet, alors je ne vois qu’une solution :

Traiter cette demande de changement à la place d’autre chose.

Pour cela, je vous recommande d’estimer précisément le temps nécessaire pour réaliser la demande de changement, à l’aide de la méthode des trois points. Vous obtiendrez ainsi un temps optimiste, un temps négatif et un temps moyen.

Maintenant que vous avez cette information, il vous reste à identifier une tâche ou un ensemble de tâches de durée similaire, qui serait à vos yeux moins prioritaire que le reste.

Proposez toujours cette option à votre client, mais ne l’imposez pas. Soyez cependant ferme sur vos positions s’il refuse de négocier ou de revenir sur sa demande de changement.

La gestion de projet ce n’est pas magique : on ne peut pas rajouter du travail indéfiniment sans bouger les échéances.

8 ) Recadrer les attentes irréalistes

Si vous jugez que la demande de changement de votre client est totalement déconnante et irréalisable en l’état, ne faites pas durer les choses. Refusez catégoriquement cette évolution.

Nul n’est tenu à l’impossible. Ayez-en conscience. Et rabâchez-le à votre client jusqu’à ce qu’il le comprenne.

Il a tout à ait le droit de demander des évolutions de périmètre, y compris certaines qui peuvent impacter de gros tronçons du projet.

Mais pas sans contrepartie : rallonge du budget et des délais notamment.

Soyez également au clair sur un point pour vous éviter toute surprise : analyser une demande de changement et estimer ses impacts, ce n’est en aucun cas un engagement.

9 ) Résoudre les problèmes de communication avec les parties prenantes

Un projet ne peut être mené à bien que si tout le monde collabore.

Et quand je dis tout le monde, je ne parle pas uniquement de l’équipe projet, mais également du client, des utilisateurs finaux, et des parties prenantes.

Si vous n’arrivez pas à vous comprendre avec votre client ou les utilisateurs métiers, que les parties prenantes sont indisponibles, ou qu’ils tardent à valider le moindre livrable, il est grand temps de jouer cartes sur table et de se parler.

Voici quelques astuces pour résoudre les problèmes de communications les plus courants en gestion de projet :

  • Votre client revient sur ce qu’il a précédemment acté.
    Tracez systématiquement les décisions prises et les actions à réaliser dans les comptes-rendu de réunion projet. En cas de désaccord, vous pourrez brandir à votre client le compte-rendu de ce qui s’est dit il y a six mois. Honnêtement, être rigoureux sur les comptes-rendu, ça m’a sorti d’un nombre incalculable de galère.
  • Les parties prenantes ne sont jamais disponibles pour les ateliers de travail.
    Tracez tous les évènements imprévus du projet dans un document et leurs impacts. Par exemple, vous pouvez noter un « No Show » à un atelier de travail avec comme impact : « 3 semaines de délais supplémentaire ». En cas de désaccord sur la date de fin de projet, vous pourrez ainsi ressortir des éléments factuels à votre client.
  • Le client tarde à valider les livrables.
    On donne généralement un délai raisonnable (par exemple 5 jours ouvrés) pour valider un livrable. Passé ce délai, notez le nombre de jours de retard sur la validation. Cela devrait reporter d’autant la date de fin de projet. Proposez à votre client un aménagement du processus de validation, afin de gagner en souplesse et en rapidité de son côté.
  • Le client se pointe avec 45 minutes de retard aux réunions.
    Soyez intransigeant. Si la réunion devait durer 1 heure, cela veut dire qu’il vous reste 15 minutes pour vous dire ce qu’il y a à dire. Tracez bien dans le compte-rendu le retard conséquent qu’il y a eu. Si cela se répète de façon régulière, ayez une discussion franche avec votre client, en lui précisant bien que vous ne pouvez tenir l’échéance initiale que si votre client est impliqué jusqu’au bout.

10 ) Définir les rôles et responsabilités de chacun

Le problème lorsqu’on ne sait pas exactement qui fait quoi, c’est que l’on perd du temps. Et ce temps est précieux si l’on souhaite tenir les échéances et éviter une dérive des objectifs.

La solution ? Définir de manière aussi précise que possible les rôles et responsabilités de chaque acteur projet.

je vous recommande pour cela d’utiliser une matrice RACI, ou l’une de ses alternatives. Si c’est votre première fois, concentrez-vous sur la matrice RACI.

Cette matrice permet pour chaque tâche de définir quatre rôles :

  • R pour Réalisateur.
    Il s’agit de la personne qui réalise la tâche. Il peut y avoir plusieurs R par tâche.
  • A pour Approbateur.
    Il s’agit de la personne qui est responsable de la tâche et qui rend des comptes. Il ne peut y avoir qu’un seul A par tâche.
  • C pour Consultant.
    Il s’agit d’une personne qui est consulté dans la réalisation de la tâche. Optionnel.
  • I pour Informé.
    Il s’agit d’une personne qui est informé d’une action ou d’une décision. Optionnel.
Les 4 responsabilités d'une matrice RACI

Pour aller + loin : Comment gérer la dérive des objectifs dans un contexte agile.

Image de Thibault Baheux

Thibault Baheux

Tour à tour chef de projet puis manager d'équipe depuis 2008, je suis aujourd'hui directeur de projet indépendant. J'ai décidé via ce site de démocratiser la gestion de projets et de la rendre accessible à tous. Mes certifications : Prince2 Foundation, CompTIA Project+ certified, PSM1, PSPO1, Lean Six Sigma Black Belt.

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