Tôt ou tard, vous serez amené à gérer des projets plus complexes que d’autres.
Technologies, nombre de dépendances, nombre d’acteurs projet, contexte politique, technologies de plus en plus complexes… Tous ces éléments contribuent à la complexité des projets.
Dans cet article, je vais vous expliquer ce qu’on considère comme un projet complexe et comment déterminer la complexité d’un projet.
Qu’est-ce qu’un projet complexe ?
Un projet complexe est un projet qui contient plusieurs objectifs, jalons et phases, qui ne sont pas immédiatement clairs pour l’esprit, et qui comportent de multiples risques.
Selon le dictionnaire Larousse, un projet complexe c’est :
Un projet complexe, c’est un projet qui contient plusieurs parties ou plusieurs éléments combiné d’une manière qui n’est pas immédiatement claire pour l’esprit, qui est compliqué, ou encore difficile à comprendre.
Pour le PMI (Project Management Institute), la complexité d’un projet dépend de nombreux éléments tels que la taille et la composition de l’équipe projet, la durée du projet, le planning, la flexibilité des coûts et de l’étendue du projet, la clarté du problème et de la solution, la stabilité des exigences, l’importance stratégique, le niveau de changement organisationnel, les dépendances inter-projets, la sensibilité politique et l’utilisation de technologie non éprouvée.
Pour bien gérer votre projet, vous devez dès le démarrage de votre projet identifier le niveau de complexité de celui-ci, afin de mettre les moyens et ressources nécessaires en face, qu’ils soient humains, financiers ou matériels.
Je vous conseille également de confier la gestion d’un projet complexe à un chef de projet senior aguerri, à un directeur de projet, à un PMO ou encore à un responsable de programme ou de portefeuille.
Pour aller + loin : Découvrez dans cet article les différences entre un projet, un programme et un portefeuille.
Comment déterminer la complexité d’un projet ?
En gestion de projet, on classifie généralement les projets selon leur complexité, d’après leur durée :
- Moins de 3 mois.
Le projet est peu complexe. On parle parfois de projet compliqué. - Entre 3 et 6 mois.
Le projet est moyennement complexe. - Plus de 6 mois.
Le projet est complexe.
Mais c’est selon moi insuffisant, et ça ne fonctionne pas sur le terrain.
J’ai connu des projets hyper complexes qui avaient une durée d’à peine 3 mois, alors que d’autres qui s’étalaient sur plus de 6 mois se rapprochaient plus d’une routine, car le sujet était bien connu.
Ce qui définit un projet complexe est la combinaison de 3 facteurs.
- Le facteur humain.
Il est plus ou moins impactant en fonction du nombre d’acteurs sur le projet, de leur niveau d’intervention mais aussi des intérêts qu’ils portent au projet. Plus il y a de monde, plus c’est difficile de coordonner les contributions de chacun, de réaliser le reporting associé, de suivre les charges et surtout d’anticiper les réactions en fonction du nombre de contributeurs sur le projet, des attentes qu’ils ont du projet, etc. - Le facteur technique.
Les technologies utilisées dans le projet ne sont pas figées : elles évoluent dans le temps. Vous devez alors vous adapter et accepter que le projet puisse évoluer au fur et à mesure de son avancée. - Le niveau d’incertitude.
Plus l’incertitude est élevée sur vos projets, plus vous aurez de chances de changer votre plan en cours de route, de rencontrer des obstacles, de voir des risques se produire, etc… La matrice de Stacey, ou Stacey matrix, est un outil qui devrai vous aider à déterminer le niveau d’incertitude de votre projet, et donc son degré de complexité.
Pour déterminer la complexité de votre projet, vous devez déjà comprendre qu’il existe 3 niveaux de complexité des projets.
1 ) Les 3 niveaux de complexité d’un projet
Sur son blog, Susanne Madsen explique qu’un projet comporte trois niveaux de complexité : la complexité structurelle, la complexité émergente et la complexité socio-politique.
- La complexité structurelle.
Ce premier niveau de complexité concerne la complexité technique. Celle-ci peut se manifester par des projets de grande envergure, des plans d’action et des procédures complexes à mettre en œuvre (par exemple l’assemblage d’un fuselage d’avion sur lequel on n’a pas le droit à l’erreur), ou par un enchaînement de tâches liées entre elles (on parle alors de dépendances). Les techniques traditionnelles de gestion de projet telles que les structures de répartition, l’analyse du chemin critique et la gestion des risques ont été conçues pour traiter des projets dont la complexité structurelle est élevée. - La complexité émergente.
Ce deuxième niveau de complexité est lié à l’évolution du projet, de son contexte et de son environnement au fur et à mesure que vous avancez. C’est notamment le cas des projets innovants, qui sont sujets aux changements de périmètre et aux adaptations dûes à un événement extérieur. On parle parfois de projets à incertitude élevée, et on utilise souvent les méthodes agiles pour les gérer. - La complexité socio-politique.
Ce dernier niveau de complexité concerne les compétences relationnelles et inter-personnelles, ainsi que l’aspect politique et humain d’un projet. C’est la partie la plus difficile à gérer d’un projet, notamment quand vous devez gérer un grand nombre de parties prenantes, chacun avec sa manière de faire et son agenda. Les projets les plus complexes le sont à cause de leur aspect socio-politique.
Elle aborde d’ailleurs ce point plus en détail dans son livre : The power of project leadership, que je vous recommande chaudement, pour développer des compétences de leadership qui sont très recherchées sur des postes de chefs de projet.
2 ) 14 facteurs de complexité à prendre en compte
Afin d’estimer la complexité de votre projet, vous devez prendre en compte de nombreux éléments :
- La taille et la durée du projet.
Plus un projet est volumineux, plus il est complexe. On considère les projets de 3 à 6 mois comme moyennement complexes, et les projets de plus de 6 mois comme vraiment complexes. - Le coût du projet.
Un coût élevé signifie généralement qu’il y a une grosse charge de travail à réaliser, que l’on utilise des systèmes complexes et onéreux (logiciels, matériels de pointe, etc). - Son importance stratégique.
Plus le projet est important pour la stratégie de l’entreprise, plus il sera considéré comme critique. Ce type de projet est par nature complexe, car le chef de projet se retrouve en frontal avec les membres exécutifs du comité de direction. - Les compétences nécessaires pour mener à bien le projet.
Un projet ne peut être réalisé qu’en réunissant une équipe pluri-disciplinaire. Mais plus vous devez faire appel à des compétences variées, plus la gestion de l’équipe et la collaboration seront compliquées, voire complexes. Sur les gros projets, il n’est pas rare de voir une équipe projet de plusieurs dizaines de personnes. - Les dépendances entre tâches.
Les dépendances entre vos tâches vous indiquent comment vous devez planifier et coordonner votre projet. De nombreuses dépendances impliquent qu’un retard sur une seule tâche peut mettre tout le planning du projet à risque. Si vous êtes dans ce cas, on parle alors souvent de chemin critique. - Les inter-dépendances entre projets.
Il arrive aussi que des projets soient dépendants entre eux. Vous devez donc les réaliser dans un ordre précis, et vous assurer qu’ils ne se perturbent pas l’un l’autre s’ils sont menés en parallèle. - L’utilisation de technologies non éprouvées.
Une technologie nouvelle, qui n’est pas encore éprouvée par l’équipe ou le marché, peut amener des difficultés imprévues (bugs, difficultés de mise en place, etc), qui peuvent non seulement générer du stress pour l’équipe, mais aussi de la complexité pour le projet. - Un haut niveau d’incertitude.
Plus l’incertitude est élevée, plus votre projet est à risque. Vous devez faire face à des changements de périmètre, des évolutions du marché et des besoins utilisateurs, et vous devez vous attendre à toutes sortes d’imprévus. - Le degré de nouveauté du travail à réaliser.
Un travail qui est maîtrisé est parfois compliqué (les procédures ont des dizaines de pages, et il n’y a pas droit à l’erreur), mais il n’est pas complexe. A l’inverse, un travail qui n’a pas encore été fait par l’équipe (comme le déploiement d’une nouvelle technologie) ajoute de la complexité. - La stabilité des exigences.
Un projet qui est sujet aux évolutions implique que l’équipe projet soit suffisamment mature pour pouvoir s’adapter. Un projet dont les exigences définies dans le cahier des charges n’évoluent pas est donc moins complexe qu’un projet hautement évolutif. - La clarté du problème et de la solution.
Si le cadrage de votre projet n’est pas assez clair, les objectifs de l’équipe seront flous et vous allez au devant de problèmes de communication. Lorsque le problème auquel répond un projet et ses objectifs ne sont pas correctement définis, cela crée de l’incertitude, donc de la complexité. - L’aspect politique.
A chaque fois que vous devez faire de la politique en gestion de projet, vous ajoutez de la complexité. J’ai piloté un projet comme ça, où je me suis retrouvé en plein milieu d’un champ de bataille entre deux entités, qui se tiraient dessus à boulets rouges. - Le contexte économique.
Le contexte économique dans lequel évolue le projet joue aussi sur la complexité. Un marché hautement concurrentiel ou en cours de disruption implique d’aller plus vite et de prendre plus de risques, ce qui augmente la complexité du projet. - Le nombre de parties prenantes dans le projet.
Plus il y a d’acteurs qui gravitent autour de votre projet ou de membres dans votre équipe, plus la communication et la collaboration sera compliquée. C’est ce que nous dit la loi de Brooks. En plus de ça, certaines équipes projet sont éclatées sur plusieurs organisations, par exemple quand on fait appel à des fournisseurs, prestataires, etc… Ce qui rajoute encore un niveau de complexité supplémentaire. - Les équipes multi-sites / multi fuseaux horaires.
Enfin, si votre équipe est dispatché physiquement sur plusieurs sites géographiques, si certains membres sont en télétravail, ou si vous travaillez sur plusieurs fuseaux horaires différents, la collaboration et la communication se complexifieront davantage.
3 ) La matrice de Stacey
La matrice de Stacey est un outil permettant de mesurer la complexité d’un projet en fonction de l’accord sur les besoins et de l’incertitude.
Elle se compose de deux axes :
- L’axe vertical représente le niveau d’accord sur le problème en question. Il s’agit généralement de se mettre d’accord sur les besoins du projet et les objectifs.
- L’axe horizontal représente le degré d’incertitude de votre projet.
La matrice Stacey, pour déterminer le niveau d’incertitude et de complexité de votre projet – Vu sur Insuffle.com
Votre projet peut ainsi se trouver dans l’un de ces 4 états :
- Simple.
Il y a très peu d’incertitude autour de votre projet, et les besoins sont clairement définis. Il y a donc peu de place pour les changements de dernière minute. - Compliqué.
Il y a plus d’éléments connus qu’inconnus dans votre projet. Les besoins sont définis, et peuvent être soumis à des changements mineurs, par le biais d’un processus de gestion des demandes de changements. - Complexe.
Il y a plus d’éléments inconnus que connus, l’incertitude est élevée, ou les besoins sont flous et hautement évolutifs. La majorité des projets modernes se situent ici. - Chaos.
L’incertitude est extrêmement élevée, et les besoins sont peu voire pas du tout définis. Le chef de projet doit être aguerri à ce genre de situations, et adopter des méthodologies spécifiques, telles que l’Extreme Project Management.
Exemple de matrice de Stacey – Vu sur Insuffle.com
4 ) Le modèle du diamant de Shenhar et Dvir
Le modèle du diamant de Shenhar et Dvir est une représentation graphique qui a une forme de quadrilatère, et qui caractérise un projet selon son niveau de complexité, le degré de nouveauté, l’aspect technologique, et le rythme du projet.
Modèle de diamant de Shenhar & Dvir
Selon Shenhar et Dvir dans leur livre « Reinventing project management », les projets ayant un niveau de complexité élevé nécessiteront un chef de projet pouvant avoir une vue systémique, des compétences administratives et des aptitudes de gestion des contrats.
Alors qu’à l’opposé, un projet de très haute technologie nécessitera un gestionnaire de projet capable d’évoluer dans un contexte informel et ayant une très forte tolérance à l’ambiguïté.
Cette grande variation dans les aptitudes nécessaires à la gestion des projets complexes amènera les chefs de projet à avoir une certaine introspection sur leur style de gestion et leurs pratiques.
En ayant conscience de leurs forces et faiblesses, les managers de projet pourront plus aisément identifier les projets qui correspondent à leur style de gestion et leurs capacités. Cela diminuera ainsi le risque de gérer des projets qui ne leur correspondent pas ou pour lesquels ils ne possèdent pas l’expertise.
Pourquoi est-ce important d’identifier les projets complexes ?
Il est important d’identifier le plus tôt possible lors de la phase d’initialisation d’un projet son niveau de complexité, et ce pour plusieurs raisons :
- Un degré d’incertitude élevé.
En gestion de projet, l’incertitude signifie que le projet est évolutif, et sujets aux changements, en fonction des besoins du client ou de l’évolution du marché. Vous pourriez très bien jeter à la poubelle votre planning demain, même si ça fait 1 semaine que vous bossez dessus, à cause d’une évolution de dernière minute à prendre en compte. - Une méthodologie et une structure de gouvernance pas adaptées.
La complexité d’un projet complique l’utilisation de certaines méthodologies de gestion de projet, même si celles-ci sont reconnues. La complexité demande également un suivi plus rigoureux du projet, et la mise en place d’une gouvernance projet adaptée, et la planification renforcée de comités de pilotage. - Un haut niveau de risques.
Un projet complexe rime avec de nombreux risques, dont la probabilité de survenance est forte, et les impacts sont dévastateurs. Les chances que le projet foire sont donc drastiquement augmentées. - Communication et collaboration sont plus difficiles.
Plus un projet est complexe, plus il y a de monde qui gravite autour. Plus il y a de personnes à tenir informé, plus la communication et la collaboration est complexe. Le nombre d’interactions pour maintenir une bonne collaboration au sein d’une équipe augmente de façon exponentielle lorsqu’on rajoute des membres dans l’équipe. C’est ce qu’on appelle la loi de Brooks, que Fred Brooks a écrit dans son livre The mythical Man-month : Le mythe du mois-homme en français.
Le nombre d’interactions augmente de manière exponentielle à mesure que l’équipe projet grandit.
Quels sont les risques pour les projets complexes ?
Les projets complexes sont plus sujets aux risques que des projets classiques. Les risques les plus courants sont les suivants :
- Impossibilité de tenir les délais et retards à répétition.
La complexité peut générer de nombreux imprévus, aléas et difficultés, qui font perdre un temps précieux à l’équipe projet. En plus de ça, la charge de travail est souvent sous-évaluée lors de la phase d’estimation du projet, ce qui conduit à d’importants retards. - Budget prévisionnel insuffisant, et qui explose de façon exponentielle.
Plus un travail est complexe, plus il est difficile d’évaluer le budget qu’on doit y associer. Les projets complexes ont donc une fâcheuse tendance à coûter bien plus cher que prévu. - Dérive des objectifs et projet qui ne finit jamais.
La dérive des objectifs se produit lorsque le périmètre de projet n’arrête pas d’évoluer à la hausse. De nouvelles tâches sont sans cesse ajoutées, et vous vous retrouvez vite comme dans l’Histoire sans fin, à avoir un projet qui ne se termine jamais. - Arrêt prématuré du projet ou annulation pure et simple. Dans les cas les plus extrêmes, la complexité peut engendrer un arrêt momentané du projet, ou son annulation prématurée. ça peut notamment être le cas lorsqu’on calcule que le projet ne sera plus rentable à l’arrivée.
Mais un projet complexe peut également avoir des opportunités, qu’on appelle aussi des risques positifs. Il s’agit d’événements futurs incertains qui pourraient survenir et causer des effets bénéfiques pour le projet.
Le rôle du chef de projet est d’identifier ces opportunités et de trouver des manières de renforcer les bénéfices que l’on peut avoir.
Pour aller + loin : Dans cet article, j’ai condensé mes 15 années d’expérience pour vous aider à bien gérer des projets complexes.
Projet compliqué vs Projet complexe : Les différences
Un projet compliqué est un projet composé de plusieurs éléments simples qui sont combinés entre eux. En identifiant ces différents composants, l’équipe projet est en mesure de proposer un plan d’action pour réaliser le travail et surmonter les obstacles.
Un projet complexe désigne un projet qui est hautement incertain, imprévisible et difficilement maîtrisable. Il existe une ambiguïté quant aux résultats. La perception du projet est subjective et la situation est difficile à analyser et donc à restituer.
Pour aller + loin : Dans cet article, je vous explique les différences qui existent entre un projet compliqué et un projet complexe, exemples à l’appui.