3 méthodes pour estimer la durée d’un projet qui ont fait leurs preuves

9 février 2024 - minutes de lecture

9 février 2024

Estimer la durée d'un projet est plus difficile qu'il ne paraît. C'est un véritable travail d'équilibriste !

Il existe bien sûr des méthodes et des astuces pour améliorer ses estimations et être guidé, mais aucune n'est fiable à 100%. Un projet étant par définition complexe, il peut se passer mille et une choses durant son cycle de vie.

C'est pour cela que l'on parle d'estimation. Et celle-ci sera plus ou moins précise en fonction de la méthode d'estimation utilisée, de la complexité du projet, de l'incertitude du contexte et du découpage de votre projet.

Découvrez dans cet article les 3 méthodes d'estimation de durée d'un projet les plus utilisées.

Quelle est la durée moyenne d'un projet ?

La durée moyenne d'un projet est de 3 à 6 mois en comptant la phase d'étude qui précède le projet. Cette durée varie en fonction de nombreux facteurs, tels que la complexité du projet,l'échéance souhaitée par le client, les difficultés techniques à surmonter ou encore la taille de l'équipe projet.

La bonne durée d'un projet est aussi longtemps que nécessaire pour atteindre les objectifs, et aussi rapide que possible afin de maîtriser les coûts.

Concrètement, il m'est arrivé de piloter des projets qui se sont étalés sur quelques semaines pour les plus petits et d'autres qui se sont étalés sur des années. C'est par exemple le cas de projet de fusion-acquisition et rapprochement entre sociétés.

Il n'existe pas de durée maximale pour un projet : un projet peut durer aussi longtemps que nécessaire.

A une nuance près : un projet ne peut pas durer ad vitam æternam. Il doit avoir une date de fin précise et connu de tous. Toutefois, plus un projet est long et plus il sera compliqué de piloter le projet, de suivre son état d'avancement, et de motiver les troupes.

Quels sont les différents types d'échéances ?

Il existe deux types d'échéances sur un projet : l'échéance "au plus tôt" et l'échéance "au plus tard". Ces dates butoir sont généralement fixés par le client ou par le commanditaire du projet et indique, pour le projet ou pour une tâche donnée, quelle est la date minimum à laquelle on peut terminer l'action et quelle est la date maximum à ne pas dépasser pour terminer le travail.

  • Date d'achèvement "au plus tôt".
    L'échéance d'un projet, d'un lot ou d'une tâche, réalisable au plus tôt. Autrement dit, l'action ne peut pas être terminée avant cette date. Par exemple, même si votre réponse à appel d'offres est prête, si la soumission des offres ne peut être effectuée qu'à partir du 01 Avril, il s'agit de votre date d'achèvement "au plus tôt".
  • Date d'achèvement "au plus tard".
    L'échéance d'un projet, d'un lot ou d'une tâche, réalisable au plus tôt. Autrement dit, l'action ne peut pas être repoussée après cette date. Pour répondre l'exemple, la date d'achèvement "au plus tard"  serait la date limite de soumission des offres, date après laquelle votre candidature ne serait pas retenue.

Je vous conseille de bien caler avec votre client ces deux dates, qui vont vous permettre de réaliser votre calendrier projet et de choisir votre date d’atterrissage qui devra forcément se trouver entre l'échéance "au plus tôt" et l'échéance "au plus tard".

Quelle méthode utiliser pour estimer la durée d'un projet ?

Il existe plusieurs méthodes utilisées en planification de projet, afin d'estimer la durée nécessaire afin de réaliser un projet, que l'on va détailler ensemble juste après. (je vous entends déjà vous réjouir de la lecture ;-))

Mais mettons-nous d'accord sur un point pour commencer.

La durée du projet correspond à l'intervalle de temps compris entre la date de début de la première tâche réalisée sur le projet, et la date de fin de la dernière tâche du projet.

La durée s'exprime en jours, heures, ou semaines et se différencie de la charge de travail qui se compte en jour-hommes.

Par exemple, un projet qui s'étale sur 3 mois (la durée) ne va pas forcément solliciter à temps plein une équipe projet pendant ces 3 mois. Il est plus vraisemblable qu'il y ait 1 mois de travail (la charge), réparti sur les 3 mois de durée du projet, en fonction des disponibilités des ressources.

Méthode d'estimation

Avantages

Inconvénients

Quand l'utiliser ?

Estimation à dire d'experts

Simple à mettre en œuvre

Trop imprécise,marge d'erreur importante

Pour avoir une vision "macro" d'un projet

Estimation à 3 points

Estimation précise

Nécessite 3 estimations par tâche

Quand il y a peu d'informations ou de grosses incertitudes

Planning poker

Estimation collective par consensus

Nécessite de réunir toute l'équipe

Adapté pour les contextes agiles

3 méthodes d'estimation de projet

1 ) Estimation à dire d'experts

La méthode d'estimation à dire d'experts est probablement celle qui est la plus utilisée par les sociétés de prestation de services. C'est aussi la plus intuitive.

Elle consiste, pour un projet, un lot ou une tâche, à aller solliciter un ou plusieurs experts afin de leur demander combien de temps, selon eux, est nécessaire pour accomplir le travail ?

Si les experts ne sont pas d'accord entre eux (ce qui arrive régulièrement), on prend alors la valeur médiane comme estimation pour construire par la suite le planning projet.

Bien que simple à mettre en place, cette méthode dispose de deux inconvénients majeurs selon moi :

  1. Plus le travail à estimer est conséquent, plus la marge d'erreur augmente. On se rapproche d'ailleurs très souvent d'une estimation "au doigt mouillé".
  2. Comme l'expert connaît son métier, on a tendance à croire aveuglément ce qu'il dit, alors qu'il n'est pas infaillible. Il a pu passer à côté d'une donnée essentielle qui peut tout remettre en cause d'un point de vue planning.

Cette méthode d'estimation peut permettre d'avoir une vision "macro" du temps à consacrer sur un projet, mais il ne faut pas prendre les informations obtenues au pied de la lettre : il est nécessaire d'affiner l'estimation.

2 ) Estimation à 3 points

L'estimation à 3 points est une méthode d'analyse qui va vous permettre d'estimer avec précision la durée d'un projet. Elle est particulièrement utilisée dans des contextes incertains VUCA), ou lorsque le chef de projet dispose de peu d'informations sur la nature du projet. 

Le principe est simple. Pour chaque tâche et lot du projet, vous devez estimer 3 dates :

  • Temps Moyen Estimé.
    Il s'agit de la date d'achèvement selon des conditions de travail normales. C'est généralement la date annoncé lorsque vous faites une estimation à dire d'experts.
  • Temps Optimiste.
    Il s'agit de la date minimum d'achèvement, avec des conditions de travail idéales : pas d'imprévus, pas d'obstacles, zéro distraction
  • Temps Pessimiste.
    ll s'agit de la date d'achèvement au plus tard, avec des conditions de travail se déroulant dans les pires conditions. Façon loi de Murphy : tout ce qui peut mal tourner va mal tourner.

Une fois ces trois dates en poche, il nous faut calculer le temps moyen d'exécution, en tenant compte des valeurs optimistes et pessimistes.

Il existe plusieurs formules de calcul, mais je ne retiendrais que la plus utilisée : la répartition beta, aussi appelée la loi beta. La formule est la suivante :

Durée = ( Temps Pessimiste + 4 * Temps Moyen + Temps Optimiste ) / 6
formule de la loi de répartition beta

Par exemple, si :

  • Temps Pessimiste = 8 semaines
  • Temps Moyen = 4 semaines
  • Temps Optimiste = 3 semaines

Alors la durée de réalisation selon la répartition beta serait de ( 8 + 4 * 4 + 3 ) / 6, soit 4,5 semaines.

Utiliser cette formule de calcul permet ainsi de prendre en compte les aléas qui surviendront inévitablement sur le projet.

3 ) Planning poker

Le planning poker est une technique d'estimation agile utilisé couramment avec des méthodologies projet comme Scrum. Il s'agit d'une estimation collective de la durée de développement d'une fonctionnalité ou de la réalisation d'une tâche, basée sur le consensus de l'équipe projet.

Traditionnellement, les estimations ne s'effectuent pas en jours, heures ou semaines, mais en points. On parle alors de sprint points.

Les chiffres utilisés pour attribuer des points sont les chiffres de la suite de Fibonacci, à savoir : 1, 2, 3, 5, 8, 13.

Pourquoi la suite de Fibonacci ?

Car l'évolution n'est pas proportionnelle. Discuter de si une tâche est un 8 ou un 9 pourrait prendre des heures pour mettre tout le monde d'accord autour de la table. Alors qu'un 8 ou un 13, on se représente tout de suite mieux ce que ça représente. 

Comme le planning poker est utilisé par les méthodes agiles, l'équipe estime ainsi au début d'un sprint (une itération) le travail qu'elle peut réaliser. Si l'équipe a une capacité de travail de 32 points sur une semaine, elle devra faire en sorte de développer un nombre de fonctionnalités équivalent à ces 32 points.

L'équipe se réunit donc pour estimer chacune des fonctionnalités. Chaque membre de l'équipe donne son avis sur le nombre de points que représente une fonctionnalité.

Puis les extrêmes expliquent leur choix. Un nouveau tour de table est effectué, et on recommence le processus jusqu'à obtenir un consensus.

Pour aller + loin : Pour découvrir le concept de la vélocité et découvrir comment la calculer et comment l'utiliser, je vous invite à consulter cet article qui complète les estimations agiles. Vous pouvez également consulter cet article pour découvrir des alternatives crédibles au planning poker.

Des cartes de planning poker, utilisée pour les séances d'estimation

9 astuces qui vont vous permettre d'améliorer vos estimations de durée

Bien, maintenant que vous avez choisi une méthode d'estimation, je vous invite à prendre connaissance de ces 9 astuces qui sont à mon sens indispensables si vous souhaitez vraiment vous améliorer sur vos estimations de durée et si vous souhaitez avoir un planning projet optimisé et cohérent.

  1. Arrondissez toujours à l'heure supérieure si votre estimation se chiffre en heures. Si l'estimation se chiffre en jours, arrondissez dans ce cas à la demi-journée supérieure.
  2. Découpez votre projet en sous-projets ou en lots. Plus le travail à estimer est petit, plus votre estimation sera précise et moins la marge d'erreur sera grande.
  3. Tenez compte des dépendances de tâches entre elles afin d'estimer la durée totale du projet. Certaines tâches ne peuvent pas commencer tant que les précédentes ne sont pas terminées. On parle alors de prédécesseurs et de successeurs.
  4. Trouvez quel est le chemin critique du projet. Il s'agit du délai minimum incompressible pour réaliser un projet. Découvrez dans cet article comment calculer le chemin critique.
  5. Établissez un rétroplanning à partir de la date d'achèvement "au plus tard". Cela vous donnera les dates butoir à absolument respecter dans le cadencement de votre projet.
  6. Réalisez un rétroplanning à partir de l'échéance "au plus tôt". Cela vous donnera les dates minimum avant lesquelles vous ne serez pas en mesure de compléter les différents jalons.
  7. Utilisez des buffers (tampons), notamment lorsque vous n'êtes pas sûr du plan d'action associé à une tâche. Ces zones tampons vous permettront d'absorber un retard sur une tâche ou de faire face à une difficulté technique sans pour autant remettre en cause toutes les tâches qui suivent.
  8. Consultez des retours d'expérience et des bilans projet de projets similaires. Vous y découvrirez de précieuses informations sur les estimations réalisées, le temps réellement passé, les difficultés rencontrées, ... Autant d'informations utiles pour vous permettre d'estimer et de cadencer au mieux votre projet.
  9. Ajoutez + 20% de votre temps à votre estimation finale. Même en tenant compte des imprévus, on a tendance à sous-évaluer le temps nécessaire à l'accomplissement d'une tâche. C'est ce qu'on appelle la loi de Parkinson.

Les limites de l'estimation de durée d'un projet

En matière d'estimation d'un projet, on peut vite se perdre et passer un temps monstrueux à essayer d'obtenir l'estimation la plus parfaite possible. Ou alors on considère les estimations comme parole d'évangile. 

Mais on oublie qu'une estimation n'est que ça : une estimation. Rien de plus.

Une durée peut être réévaluée en cours de projet, à la hausse ou à la baisse, au fur et à mesure que l'équipe monte en compétences sur le projet.

Il existe d'ailleurs 3 limites principales à l'exercice de l'estimation, les 3 niveaux d'incertitude :

  1. Des hypothèses retenues trop simplistes.
    On sous-estime tous, moi inclus, la loi de l'emmerdement maximal (la loi de Murphy). On part donc sur des hypothèses simplistes comme le fait que toutes les tâches vont s'enchaîner sans aucun problème, ce qui fausse l'estimation : les hypothèses simplificatrices amène une sous-évaluation de la durée.
  2. Le biais de validation.
    Lorsqu'une personne réalise une estimation, les autres experts sollicités ont tendance à utiliser cette estimation comme point de référence et donc à faire des estimations de même grandeur. On juge les extrêmes comme des estimations à côté de la plaque sans même se demander pourquoi et comment ces chiffres ressortent.
  3. Un facteur humain totalement oublié.
    Une estimation peut être facilement biaisé en fonction d'un manque de confiance en soi, d'une charge mentale conséquente, d'un excès de prudence ou encore du niveau d'expérience et du parcours professionnel de l'expert.

Interrogez un chef de projet ou un expert sur la confiance qu'ils portent dans leurs estimations et dans leur capacité à finir le projet dans les temps. La majorité vous répondront que tout est prévu, qu'il n'y a aucun problème, que tout a été pensé, anticipé et planifié.

Et ça se comprend : on veut tous passer pour des professionnels fiables et compétents. Mais ça n'en reste pas moins faux.

La vérité, c'est qu'on est tous assez mauvais à estimer des durées, d'autant plus lorsque les ordres de grandeur sont grands. Même en utilisant des méthodes d'estimation et d'analyse reconnues.

Même après 14 ans d'expérience en gestion de projet, mes estimations laissent parfois à désirer. Mais je les prends pour ce qu'elles sont : des estimations. Et je réévalue en permanence avec le client le planning et le plan projet en cours de projet, en fonction de la situation et des événements.


Thibault Baheux

Tour à tour chef de projet puis manager d'équipe depuis 2008, je suis aujourd'hui directeur de projet indépendant.

J'ai décidé via ce site de démocratiser la gestion de projets et de la rendre accessible à tous.

Mes certifications : Prince2 Foundation, CompTIA Project+ certified, PSM1, PSPO1, Lean Six Sigma Black Belt.


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