Tout comme le secteur privé, les services publics doivent s’adapter aux évolutions des besoins et à la société. Ils doivent donc adopter le mode projet pour mieux répondre aux attentes des agents et des usagers.
Et pour ça, il est nécessaire de se réorganiser, de se transformer de l’intérieur, et d’adopter le mode projet.
D’ailleurs, une circulaire a été émise le 05 Juin 2019 en ce sens.
Mais qu’est-ce que le mode projet ? Pourquoi la fonction publique doit adopter ce nouveau mode de travail ? Et comment le faire concrètement ?
Je réponds à toutes vos questions dans cet article.
Qu’est-ce que le mode projet ?
En quoi consiste le mode projet ?
Le mode projet est une nouvelle manière de travailler qui consiste à se réunir par petits groupes afin de travailler ensemble à l’aboutissement d’un objectif commun. L’équipe ainsi réunie est pluridisciplinaire, et travaille de manière transverse et collaborative.
Les membres de l’équipe projet sont piochés à droite à gauche dans les services existants de l’entreprise, en fonction de leur expertise, leurs connaissances, leurs disponibilités et les besoins spécifiques du projet. Je vous donne dans cet article 10 conseils pour recruter les meilleurs profils dans votre équipe projet.
En fonction de la taille et de la complexité des projets, les collaborateurs peuvent participer à un ou plusieurs projets en parallèle.
Ces groupes de travail sont donc par nature temporaires, car ils sont montés pour les besoins du projet. Ils sont chacun pilotés par un chef de projet, qui est le responsable et le garant du projet.
Une fois le projet terminé, l’équipe projet n’a plus lieu d’être : ses membres partent vers de nouveaux horizons et de nouveaux projets.
Bien que le chef de projet pilote et supervise le projet et l’équipe projet au quotidien, il n’a aucun lien hiérarchique avec celle-ci. Il pratique alors le management transversal, parfois aussi appelé management horizontal.
Pour aller + loin : Approfondissez vos fondamentaux sur la gestion de projet et ce qu’est un projet en consultant cet article.
Les grandes lignes du mode projet
Travailler en mode projet, c’est réunir une équipe de personnes aux talents variés afin d’atteindre un objectif précis, dans un contexte précis, dans les délais impartis et selon le budget et le niveau de qualité souhaités.
Un projet passe par 4 étapes différentes pendant son cycle de vie :
- La phase de cadrage
Il s’agit de la phase d’initialisation du projet, durant laquelle on va clarifier les objectifs et attentes du projet, ses enjeux, les contraintes (délais, qualité, budget) à respecter ainsi que le contexte dans lequel va évoluer l’équipe projet. - La phase de conception
Cette phase consiste à déterminer ce qui doit être fait, par qui, quand, comment, dans quel ordre et avec quels moyens. Les tâches et dépendances sont identifiées et planifiées, les méthodes de travail de l’équipe sont choisies et les risques et impacts du projet sont définis. - La phase de réalisation
Cette phase est la phase d’action, où le plan soigneusement préparé est déroulé par l’équipe projet. Lorsqu’une migration est nécessaire, elle est réalisée durant cette phase. - La phase de supervision.
Cette phase se déroule en parallèle de la précédente, et consiste à vérifier les actions effectuées et à contrôler le projet, pour s’assurer qu’il avance correctement, dans le respect du budget et des délais. - La phase de clôture
Lors de cette dernière phase, on vérifie que le résultat du projet correspond bien à ce qui était attendu, puis on dresse le bilan du projet afin de capitaliser sur l’expérience acquise. Puis on célèbre la victoire !
Fonctionnement du mode projet
Le mode projet consiste à se réunir en un groupe de travail (l’équipe projet), afin de collaborer et d’atteindre un objectif commun.
Le schéma ci-dessous décrit bien les différentes relations existantes dans une organisation classiques entre les membres d’un groupe projet :
Le fonctionnement d’un groupe projet
Les bénéfices du mode projet pour la fonction publique
Développer le mode projet dans la fonction publique et les collectivités territoriales apporte de nombreux bénéfices, que voici :
- Atteinte des objectifs du programme « Action publique 2022 ».
Ce programme a été lancé en Octobre 2017 pour transformer et moderniser le service public, et améliorer la qualité de service et la relation avec les usagers. - Organisation & gouvernance en cohérence avec l’extérieur.
En adoptant le mode projet, les services publics se mettent en conformité avec le secteur privé, et adoptent les mêmes pratiques de travail. La collaboration n’en est que plus aisée. - Gains en efficacité, agilité, polyvalence.
En mode projet, des équipes pluridisciplinaires se réunissent de manière temporaire pour les besoins des projets. Ce mode d’organisation plus souple permet aux agents et aux collectivités d’être plus efficace sur le terrain, de gagner en agilité et en polyvalence. - Décloisonnement des services.
Le mode projet demande à renforcer la coopération et la collaboration au sein de l’organisation, et avec l’ensemble des parties prenantes (fournisseurs, prestataires, autres entités publiques). Il participe donc au décloisonnement des services. - Meilleur service rendu à l’usager.
Travailler en mode projet permet de se recentrer sur le service rendu à l’utilisateur, et sur ses besoins. Les collectivités améliorent ainsi leur qualité de service et leur relation avec les usagers. - Modernisation des environnements de travail.
Avec le développement des services numériques et la transformation numérique, les outils doivent être revus et adaptés pour se moderniser et gagner en souplesse. Le mode projet permet cela. - Meilleure rétention des équipes, et facilités de recrutement. Les agents se sentent plus engagés, plus impliqués, plus motivés dans leur travail. Le mode projet, connu et adopté dans le secteur privé, facilite également les recrutements des collectivités sur des postes demandant des compétences dont le vivier se trouve dans le privé.
Pour aller + loin : Cliquez ici pour découvrir d’autres bénéfices à travailler en mode projet, aussi bien dans les services publics que dans le privé.
Comment travailler en mode projet dans les collectivités territoriales ?
Le mode projet repose sur un plan en 10 étapes, qui permet de mener à bien un projet du début jusqu’à la fin.
- Cadrage et lancement du projet
- Désignation du chef de projet
- Création d’un document de référence
- Constitution de la comitologie
- Définition du plan d’action
- Réalisation des plannings
- Conduite de projet et mise en œuvre
- Livraison des livrables
- Validation des livrables
- Bilan et clôture du projet
1 ) Cadrage et lancement du projet
Avant toute chose, il faut vous demander quelle est la raison d’être du projet. A quel problème essayez-vous d’apporter une solution via ce projet ? Quels sont ses enjeux et objectifs ? Quels sont les critères qui définiront le succès ou non du projet ?
Autant de questions auxquelles il vous faudra répondre.
La phase de cadrage du projet consiste à lever le brouillard qui peut régner dans les premiers instants, et donne généralement lieu à un document que l’on appelle la note de cadrage.
Cette note de cadrage est le document de référence, qui résume tout ce qu’il y a à savoir sur le projet.
Le projet doit ensuite être lancé officiellement, ce qui se matérialise par une réunion de lancement, ou kick-of meting. C’est l’occasion de réunir les différentes parties prenantes afin de faire un point sur le projet, les attendus, les objectifs à atteindre, l’organisation qui est prévu, etc…
2 ) Désignation du chef de projet
Pour mener à bien un projet, il faut un pilote dans l’avion. Un chef d’orchestre qui coordonne tout le monde, et s’assurer que tout est fait en temps et en heure, et de la bonne manière.
Cette personne, c’est le chef de projet.
Il est donc primordial de nommer un chef de projet qui dispose des compétences nécessaires pour mener le projet à son terme : soit des connaissances métiers, soit des connaissances de l’entreprise et de son organisation, soit des connaissances en gestion de projet.
Le choix du chef de projet est plus important qu’on ne le pense, et peut à lui seul faire pencher la balance de la réussite du projet.
3 ) Création d’un document de référence
Il s’agit généralement de la note de cadrage, que j’ai évoqué plus haut.
Ce document est rédigé par le chef de projet à la fin de la phase de cadrage. Mais il n’est pas figé dans le temps. La note de cadrage évolue en même temps que le projet évolue.
Par exemple, il peut y avoir des ajustements en cours de route sur le périmètre des actions à mener dans le cadre du projet. La note de cadrage doit refléter cela.
Ce document de référence est LE document qui doit être à jour. Il est consultable pour l’ensemble des parties prenantes et permet de garder tous les acteurs projet au même niveau d’information et de clarté.
4 ) Constitution de la comitologie
La comitologie consiste à organiser et planifier les différents comités et instances de réunion, permettant de suivre l’avancement du projet.
On distingue généralement deux types de comités, bien qu’il peut y en avoir d’autres en fonction de la méthodologie de projet choisie, et de la taille et la complexité du projet en question.
- Le comité technique, ou comité opérationnel.
Planifié de préférence toutes les semaines, et dure généralement entre 30 minutes et 1 heure. C’est l’occasion de traiter des sujets opérationnels et d’aborder les difficultés techniques rencontrées. - Le comité de pilotage, ou COPIL.
Planifié de préférence mensuellement, et dure généralement de 1 à 2 heures. C’est l’occasion de prendre de la hauteur et de faire le point sur le planning, les livrables et le budget.
5 ) Définition du plan d’action
Maintenant que vous savez ce qu’il faut faire sur votre projet, c’est le bon moment pour réfléchir à « comment » le faire.
Il existe probablement différentes manières d’arriver à bon port, certaines plus efficaces que d’autres, d’autres plus risquées ou plus onéreuses.
Le chef de projet doit se mettre en relation avec l’équipe projet et les experts au besoin afin de déterminer quel est le meilleur plan d’action pour mener à bien le projet.
Ce plan d’action se découpe généralement en plusieurs phases, elles-mêmes découpées en tâches.
Une fois cette liste de tâches identifiée, échangez avec vos experts afin de déterminer le temps nécessaire pour réaliser ces différentes tâches.
Profitez de ce moment pour établir les liaisons et dépendances qui peuvent exister entre les différentes tâches identifiées. Cela vous facilitera la vie pour la réalisation des plannings projet.
Pour aller + loin : Cliquez ici pour tout savoir sur les dépendances entre les tâches projet.
6 ) Réalisation des plannings
C’est maintenant l’heure de planifier le plan d’action dans le temps.
Les plannings que vous réalisez vous seront utiles à vous et l’équipe non seulement pour savoir qui fait quoi quand, mais aussi pour suivre l’avancement du projet.
Ces mêmes plannings pourront servir de base de travail aux comités projet et comités de pilotage.
Je vous conseille de procéder en 3 étapes :
- Réalisation d’un macroplanning.
Il s’agit d’un planning « vue hélicoptère » qui ne représente que les éléments principaux d’un projet et ses grandes étapes. Ce planning est généralement revu lors du comité de pilotage. - Réalisation d’un rétro-planning.
Il s’agit d’un planning « inverse » : vous partez de la date de fin du projet et vous remontez dans le temps, pour identifier pour chaque activité la date « au plus tard » à laquelle elle doit être terminée. Cela vous permet de vérifier si vous disposez du temps nécessaire pour réaliser tout le travail demandé. - Réalisation d’un planning détaillé ou d’un diagramme de Gantt.
Il est maintenant temps de faire un planning détaillé de chaque tâche, liaisons et dépendances. Ce planning est utilisé par les opérationnels uniquement. Le diagramme de Gant est une représentation graphique de ce planning détaillé.
7 ) Conduite de projet et mise en œuvre
Vous venez de terminer la phase de préparation de votre projet. Maintenant, place à l’action !
L’équipe projet déroule le plan d’action choisit et suit le planning détaillé.
Le chef de projet s’assure de la bonne avancée des opérations et assiste l’équipe projet à chaque difficulté rencontrée.
En fonction des sujets et des besoins, il peut être nécessaire de prendre des décisions et des arbitrages. Utilisez de préférence les comités et instances de réunion projet qui sont là pour ça.
Mais si une décision ne peut pas attendre, n’hésitez pas à décrocher le téléphone pour en discuter avec le commanditaire en direct.
C’est également durant cette phase que le chef de projet assure un reporting régulier pour tenir informé le commanditaire et sa direction de l’avancée du projet.
8 ) Livraison du produit du projet
Une fois les actions terminées par l’équipe projet, vous êtes fin prêt à livrer le produit du projet.
Je parle de produit, mais il serait plus juste de parler de livrable.
D’ailleurs, un projet peut avoir plusieurs livrables à l’arrivée. Et tous ne sont pas à fournir en même temps. Tout dépend du découpage du projet.
Mais le principe reste le même :
- Lorsque vous êtes prêt, vous fournissez le livrable au commanditaire, de préférence avant l’échéance annoncée.
- Vous rédigez un procès-verbal, que le commanditaire va devoir vous retourner complété.
9 ) Validation des livrables
C’est maintenant au commanditaire de travailler.
Une fois un livrable réceptionné, le commanditaire doit s’assurer que ce livrable répond bien à toutes ses attentes et exigences.
- Le besoin a t-il été compris ?
- Le niveau de qualité est-il satisfaisant ?
- Y a t-il des ajustements à prévoir ?
Il dispose généralement de quelques jours avant de notifier son retour au chef de projet. Il utilise pour cela le procès-verbal qui lui a été adressé. Trois options s’offrent à lui :
- Le livrable est conforme.
Tout est conforme aux attendus, le procès-verbal est donc validé. - Le livrable n’est pas conforme.
Le livrable fourni ne répond pas aux besoins ni aux exigences du commanditaire : il est recalé et n’est pas validé. Le procès-verbal est renvoyé au chef de projet avec la notion « non conforme ». - Des corrections mineures doivent être apportées.
Le livrable répond partiellement aux attentes, mais des modifications doivent être apportées. Le livrable est alors « validé sous réserve ». La liste des réserves (les corrections à réaliser) est indiquée dans le procès-verbal. Le chef de projet s’engage alors à corriger tous ces points et à présenter une nouvelle version du livrable.
10 ) Bilan et clôture du projet
Une fois tous les livrables du projet fournis au commanditaire et validés par ses soins, nous passons en phase de clôture du projet. C’est l’heure du bilan !
Le chef de projet s’assure que tout est en ordre, que rien n’a été oublié. Il révoque les droits d’accès et rend tout ce qui a été fourni temporairement à l’équipe projet.
Il réalise ensuite le bilan projet, afin de capitaliser sur les expériences de ce projet, bonnes comme mauvaises, pour les prochaines fois.
Il clôture enfin le projet en organisant la réunion de clôture. C’est l’occasion d’inviter une dernière fois tous les acteurs projet et les parties prenantes, afin de les remercier pour leur implication et le travail accompli.
5 leviers de réussite du mode projet
Pour que travailler en mode projet dans la fonction publique puisse prendre au sein des équipes de manière durable, vous avez à votre disposition 5 leviers de succès :
- Une direction générale impliquée et engagée tout le long du projet.
La direction agit ainsi en tant que sponsor, et manage par l’exemple. - Un seul chef de projet compétent, disponible, et impartial.
Pour réussir cette transformation, vous devez nommer un chef de projet qui puisse amener une vision extérieure tout en étant impartial. L’idéal est de faire appel à un consultant pour ce type de mission. - Une communication sans faille.
La communication vous permet d’expliquer le « pourquoi il faut changer », et le « comment ». Vous donnez ainsi du sens au changement et vous fédérez plus facilement les équipes. - Un « noyau dur » d’ambassadeurs.
Commencez par convaincre les directeurs de service du bienfondé et de l’intérêt du mode projet. Adoptez une approche top-down afin de déployer ce changement dans l’organisation. - La disponibilité des membres du groupe projet.
Les personnes impliquées dans ce projet se doivent d’être disponible, pour réaliser leur travail certes, mais aussi pour répondre aux sollicitations et pour accompagner le changement.
En complément, je vous recommande également d’expérimenter de travailler en mode projet avec une équipe volontaire avant de le déployer au sein de toute l’organisation.
Vous pourrez ainsi capitaliser sur cette expérience, et montrer aux autres équipes par l’exemple comment fonctionne concrètement le mode projet. Vous aurez également des ambassadeurs sous la main, qui pourront répandre pour vous la bonne parole.
Pour aller + loin : Découvrez dans cet article les 15 facteurs-clés de succès des projets, pour réussir tous vos projets une fois le mode projet en place.
La conduite du changement du mode projet pour les services publics
Le déploiement du mode projet dans la fonction publique et les collectivités territoriales ne se fait pas en claquant des doigts : il est nécessaire de mener une politique de conduite du changement.
Cette conduite du changement vous permettra d’adopter de manière durable le mode projet dans vos organisations. Vous pouvez le faire en réalisant plusieurs actions :
- Impliquez les équipes dans la transformation.
Associez-les dès le début du projet de transformation, pour favoriser leur adhésion. - Donnez plus d’autonomie aux équipes.
Laissez les agents réaliser le travail confié comme il l’entende. Cela développera la confiance et la responsabilisation. - Accompagnez la montée en compétences.
Formez vos collaborateurs et chefs d’équipe à la gestion de projet pour obtenir un changement durable et des équipes efficaces. - Décloisonnez les services.
Faites collaborer les différents services entre eux, afin de faciliter le partage des informations et de partager une vision et une culture commune. - Faites évoluer l’environnement de travail.
Installez des espaces de travail modulables, et multipliez les lieux de rencontre et de réunion, afin de favoriser le mode projet. - Co-construisez avec les parties prenantes.
Échangez avec les usagers et les acteurs privés, prenez en compte leurs feedbacks afin de les embarquer avec vous dans cette aventure.
Comment diffuser la culture du mode projet dans la fonction publique
La DGAFP (la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique) a mis à disposition des managers qui souhaitent favoriser un environnement propice à la gestion en mode projet un guide de 52 pages.
Il décrit succinctement les fondamentaux du mode projet, et précise les critères à réunir pour diffuser la culture projet au sein de l’organisation.
Ce guide est régulièrement enrichi de retours d’expérience et de la prise en compte des remarques et commentaires.
Vous pouvez le télécharger à cette adresse sur le portail de la fonction publique.